Reminiscence (1998-2010)

genre : après des compositions essentiellement electro, mute8x revient avec un album rock-bad trip-sex-alcool-jazz qui illustre une nouvelle surréaliste et sombre.

invité : Toy (chant)

pochette : Clémence Méchineau http:// chezclemi.free.fr

Avertissement : lisez à votre rythme et appuyez sur lecture au moment opportun. Bon voyage.

mute8x

 

 

 

 

 


 

REMINISCENCE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1998-2010


 

 

 

 

 

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I - Une bien grande solitude

II - Onze bars

III - Harangue d’un bateau qui tangue

IV- La lie de l’âme

V - Courte vie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


I - Une bien grande solitude

Dimanche, 01H14
Lieu inconnu

Je n’étais rien avant l’Instant. Désormais je Suis. Fraîchement appareillé d’une conscience, J’existe. Nouvellement doté de perceptions sensorielles je ressens mais ne vois rien. C’est sans doute parce qu’ il fait trop sombre ou que je suis aveugle.
Je baigne donc dans ce qui me semble être un liquide doux et sucré.
Etrange situation dans laquelle je reconnais la Vie.
Et puis d’où me parvient cette connaissance, ces acquis ? Je puise sûrement mes pensées dans ce nuage chaotique, sublimation d’idées, que l’on nomme Noosphère ou dois-je m’en référer à mes ancêtres qui… tiens où sont-ils ? Alors je pars immédiatement à la recherche de mes aïeux, il doit bien y avoir une explication. Je dois recoller les morceaux. Le temps défile, le lieu est entrecoupé de secousses ou de longues accalmies, de saisons chaudes ou froides. Puis une déflagration d’une violence inouïe surgit.
La matière qui m’entoure est violemment emportée dans un tourbillon qui laisse deviner en son centre une tache de lumière. Je n’en avais jamais vu auparavant. C’est magnifique.
La substance a été expulsée, mais où ? Pourquoi ? Comment ?
Il ne reste plus que moi et ce crépuscule à l’horizon où des photons paradent dans une danse frénétique.
Les restes du maelström salvateur. La place est au vide. Je suis le centre de gravité de mon nouveau Monde, le nombril de l’égocentrique, la v... BAAAAAMMM ! Mais que se passe t-il ???
Une prodigieuse force me projette contre une paroi froide et lisse.
Je cours, des flashs aléatoires m’aveuglent,, ça tourne, oooooh ! Je glisse dans tous les sens, je dévie, oh ma tête ! Flash !!!!!! Je suis propulsée d’avant en arrière, j’entends des bruits métalliques, percussifs, des sons tantôt sourds tantôt stridents, je zigzague dans une vallée au relief littéralement triangulaire, puis tout se stabilise brusquement. C’était quoi ce précieux liquide, ce cataclysme, mais bon sang où suis-je, quel est le sens de cette histoire ?
Une vague impression effleure mon esprit. Je ne veux pas savoir mais mon subconscient m’impose la vérité. J’imagine une entité titanesque m’observant d’un sourire sardonique.
J’ai peur.

 

Dimanche, O1H12
Pub du centre ville
- On fait quoi maintenant Jean-Seb ? râla Camille, qui se surprit de cracher autant de vapeur de sa bouche.
Il sortit une bière de son sac à dos, la but cul sec et jeta nonchalamment la canette sur la voie publique. Et plus rien à faire ce soir. Fait chier aussi ce bar de merde. Ambiance de merde, serveur de merde, filles sympa et jolies mais avec leurs mecs de merde, en plus c’est mon anniversaire et il n’y a personne qui bouge son cul de merde... Fallait vraiment qu’on se casse de cet endroit pourri. Il consulta son portable. Eh, Jean-Seb ! J’ai reçu un SMS « after ché Sophie ramné dla picol ». Il se sentit rassuré. Quelqu’un a entendu mon désespoir... Ô bonheur sortons vite de cette rue qui empeste l’urine.
- Très bien mais on a plus que 10 minutes pour faire le plein de bière au rebeu du coin, ajouta Jean-Seb en comptant sa monnaie avec une dextérité étonnante. Avec un arrêt sur image on aurait pu lire sur son visage un rictus de satisfaction se détachant très furtivement de son air blasé.
- Attends deux minutes. Camille sortit son engin et urina copieusement sur le macadam.

 

 

 


Dimanche, 01H15
Lieu inconnu

Non ce n’est pas possible. Il faut être objectif. Ne pas perdre la raison. Il doit y avoir une solution. Alors j’erre sans but précis dans l’univers passé à la moulinette. Des impressions de déjà-vu m’interpellent. Des ersatz d’ondes sonores me forcent à réagir. Je pourchasse la lumière mais elle m’échappe dès que je crois la rattraper. C’est comme essayer de toucher un arc-en-ciel printanier. A bout de souffle, mon instinct de survie se déclenche l’alarme comme pour vous avertir d’un danger proche. J’ai une irrésistible envie d’évacuer ma tristesse. Je me sentais si bien quand j’étais blottie dans le liquide nourricier et tout s’est passé tellement vite : le tourbillon, les bruits étranges et maintenant la faim qui approche. Une intuition amère me fige au milieu de mon univers abandonné et tamisé : suis-je lucide, endormie ? Je suis morte et maintenant je serais ...... un ange ??? Dieu c’est toi ??? Le malaise qui me taraudait finit par traverser le flot de mon inconscient puis à poindre tel un puissant geyser jusqu’à mon entendement. Montre-moi un signe, rien qu’un.... tout s ‘explique, alors je ne serai que… non je ne peux pas y croire… non… je … je… ne… suis…... qu’….qu’une malheureuse bactérie gisant dans une gouttelette de bière. Mon monde n’est qu’une canette froissée avortée dans un caniveau à peine éclairé et qui sent fortement l’urine.
Prisonnière, ce monde métallique sera mon tombeau et les passants bourrés le profaneront d’une pisse opaque. Délivrez-moi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


II - Onze bars !

Samedi, 23H06
Pub du centre ville

Camille était dans un pub minable avec de la musique qui n’était pas trop à son goût. L’ennui s’approchait, presque palpable. Ce n’était pas ce qui le tracassait le plus... Il écumait son dixième bar à la recherche d’ambiance et exhumait le poids de la solitude... Merde c’est l’anniversaire le plus pourri en 24 ans de carrière d’être humain. Pas un ami, pas une copine avec qui boire pour souffler les bougies. Putain c’est quoi cette banquette ? Je ne suis pas très bien installé. J’ai la bougeotte, par ailleurs, j’ai parfois l’impression d’être un asticot : je gigote, je bouffe-digère-chie, suis entouré de merde puis je termine au bout des âmes sombres. Putain ça vient d’où ça ? Il subodore dans l’air une dépression qui vient te taper sur l’épaule. Vite un anticyclone sur la carte météo du moral. La pression monte, de bar en bar, au secours !!!!!

Samedi, 23h37
Une demi heure que Camille attendait son demi quand le serveur très bien vêtu parvint enfin.
Ah ! Une bonne bière pétillante avec une blondasse filtre.
Malgré un plateau surchargé dans la main gauche, le barman déposa nonchalamment le flacon jaune-pisse-du-réveil accompagné de l’addition et d’un bref sourire. En face deux personnes jouaient aux fléchettes. Sans se lasser, avec des gestes mécaniques et perpétuels semblables à des robots tout droit sortis d’un roman d’Isaac Asimov. Ils lançaient, décrochaient et relançaient contre la cible leurs objets pointus. Ce soir ils avaient décidé de gagner. Camille, lui, avait envie de se beurrer. Au comptoir trois filles dans le plus belle âge riaient à en voir leur molaires encore étincelantes vierges de tout artefact d’inox. Une blondinette sortait du lot. Avachi comme un nihiliste sur la banquette, la tête à hauteur de la table, Camille les fixa. Son cerveau forgea alors une information bestiale transmise en très haut débit à son chibre optique. Il la dévora des yeux comme l’aurait fait un basset à l’affût d’un gibier délicieux tombé du ciel, après le tir meurtrier de son aimable maître.
Tes yeux pétillent, tu me rends ivre, j’ai soif de toi, ta blondeur me grise, je boirai tes larmes si froides, tu me laisseras l’amertume, la lie et des embruns de houblon. Tu m’aimes, le sais-tu ?
On ne sût jamais s’il décrivit sa bière ou la demoiselle. Il bu trois grosses gorgées et tourna la tête à droite en direction du billard. La table verte était entourée par deux robots à queue mais la différence était qu’entre chaque tir le duo buvait de grosses lampées de leur chope. Plus tard un ami nommé Jean-Seb le retrouva au bar. Il passait dans le coin, se baladait -putain comment on peut se promener en ville alors que le froid cristallise vos larmes en deux secondes- et il l’aimait bien. Quelqu’un d’honnête et de confiance et par dessus tout quelqu’un débordant d’humour.
- Salut toi, je fête mon anniv’ ce soir, tu vas bien ?
- Ouais, mais putain ça caille !
- Tu m’étonnes !
- John.
- Ah ah ah… euh… attend ! Les nones ?
- Et les curés.
Ils s’esclaffèrent, le regard chargé de complicité.
Son pote fourra sa main dans la poche de son veston et y tira un paquet de blondes.
Il en tendit une à son acolyte.
« - Merci mec, t’as du feu ?
- Ouais, tiens.
Puis il commanda deux pichets d’ambre, deux pailles, non quatre, s’il y a de la coke dans la soirée, et un mètre de rhum-piment.

 


Dimanche, 00H08
L’alcool prenait le relais sur l’ennui. La paire d’acolytes était désinhibée et par dessus dans leur bulle, ensemble dans le même trip même s’ils n’avaient pas grand chose à se dire hormis des banalités servant de fonction phatique. Ils buvaient rapidement, alternant bière et rhum piment. La musique vint à changer ; beaucoup mieux. Le guitariste se tapait de gros soli en se baladant sur le bois de l’instrument. A l’aise, en harmonie, aussi précis et délicat qu’une prostituée besognant sur le manche de son client afin d’écourter la passe.
Du monde débarquait, allait s’asseoir juste à côté de leur table, trois gars et deux filles, juste assez près pour que se mêlent les discussions.
- C’est l’histoire du gynéco qui ausculte sa propre femme, surpris et enragé, il relève sa tête: « Falope tu m’tompes ! »
- Pardon ? Tu parles de ma meuf ?! Sursauta le voisin inconnu.
- Euh, non, non c’est à mon pote que je parle pas à vous ! On ne se connaît pas et j’ai pas envie de te connaître !
Merde, voilà qu’on m’impose un dialogue à la con avec des cons ! Les gens emplissent si facilement l’atmosphère de leur paroles futiles. Pensa Camille. Un des voisins alluma une cigarette puis ses quatre comparses suivirent comme des disciples. Le mimétisme prouve encore une fois que si une personne d’un groupe allume sa tige les autres fumeurs suivront dans la minute. Une, ça va mais un aquarium de volutes cancérigènes, c’en est de trop. Encore plus s’ils portent du parfum bon marché. La situation devenait incongrue. Camille fronça les sourcils.
Bordel de merde, fais chier là !. Ce sera à celui qui parlera le plus fort ? Et pas question d’être ami car avec le peu que j’ai entendu ils me paraissent sacrément cons. Il est beau le tableau, des abrutis, des robots, des cons et un comptoir bigarré de poivrots refaisant le monde... Tragi-comique ou comi-tragique ?
- Bon Jean-Seb, résumons la soirée : il fait froid dehors, on se fait chier à l’intérieur, les personnes d’à côté m’ont plombé l’ambiance, pas une nana à draguer et pas la peine d’aller chez moi pour une after à cause des voisins, et… En détournant le regard, Camille aperçut une silhouette. Par instinct, il tourna la tête dans sa direction. Son cœur se mit à battre la chamade, ses tempes palpitèrent, ses mains se crispèrent. Il bu une grosse rasade de bière alors que la déesse brune commandait un gin fizz et un whisky.
- Doux Jésus ! Elle était si belle et plantureuse. Il était prêt à se lever, remerciant le seigneur pour ce répit, quand son bonheur incarné tendit un verre à un homme -qui n’était pas présent il y a encore cinq secondes. Elle embrassa aussi délicieusement son amant que Camille sifflait son godet. La goutte de bière qui fit déborder le tonneau.

Dimanche, 01H11
Dernier verre cul-sec pour la route, taxe de brûlots aux barriques, écharpe et doublures laineuses, addition, au revoir au barman, moral au plus bas, dégoût, frustration, il bouillonnait de rage, il allait exploser. Il ne trouva rien d’autre à articuler que :
- Trop de pression, on se barre !

 

 

 

 

 


III - Harangue d’un bateau qui tangue


Xxxxxxx, xxHxx
Xxxx xx xxxxxxx

Je vais être direct cher lecteur. Oui, je m’adresse à toi comme ça, de phrase à cornet -au fait je peux te tutoyer ?- car nous sommes tous sur le même bateau. Ce bateau mis à l’épreuve des flots de l’océan spatio-temporel sur lequel on y pêche paisiblement ; mais où l’on ne peut se baigner tranquillement. Les requins attendent le fatal plongeon pour nous dévorer tel un vieux croûton avarié. Même pas la peine de sortir le canot de sauvetage ni la bouée rouge pour vous récupérer. Pourquoi je te parle de tout ça ? Et bien je me questionne aussi ! Zut ! J’ai perdu le fil. Tant pis le plus important n’est pas de savoir de quoi je te parle, mais de m’en souvenir.
Au départ nous fuyions les terres, à l’heure actuelle nous espérons inlassablement dénicher un caillou à l’horizon... Ça fait un bout de temps qu’on est partis alors pour s’occuper l’équipage se raconte des anecdotes, parfois en invente. Des histoires loufoques, incongrues, tristes, classiques, dépassant parfois la science fiction genre burlesque space opera. Tous sur le pont, on échange nos impressions. On invite Bacchus à nos maigres rations afin d’allonger nos beuveries et retarder la pauvre réalité. Tiens ce soir les nuages vont encore danser autour de l’orange bleue tandis que des anges farfelus la rejoindront. Ô belle de nuit, enveloppe-moi dans l’obscurité de tes sorts enchanteurs. Les escaliers de vapeur conduisent le capitaine et le navire à chavirer de bâbord à tribord. On dirait que la météo se gâte. En levant la tête, on observe des effluves salines se mélangeant aux cendres grises de sa pipe débordant de tabac et d’herbe folle. Une grosse vague à gauche, une suivante à droite, une autre, encore et encore, des rafales plient le mât... L’attente est interminable et moi je me sens un peu minable entre ces flots... trop de ressac... blurp blaarch... Rongé par les verres d’ambroisie, je gerbe mes harengs-frites par dessus bord. La tempête nous bouscule. Le vent est rude comme une grosse gifle par -10°C dont la douleur ne s’estompe pas. Celle qui vous empêche de bouger les zygomatiques tant le sang afflue.
Le soleil de l’obscurité se moque avidement de nous ; regarde l’ami ! Comme il paraît pourtant si tendre et jovial. Il faut oublier. Les heures défilent lentement. Droit devant, l’aurore perce les nuages lourds. Une tache sombre se superpose comme une ombre chinoise . C’est sûrement une de ces choses mystiques que nous cache le grand bleu. Nous prenons le cap, on s’approche. La chose reste plantée là comme si elle nous attendait. C’est en fait une sphère rouge flottant à un ou deux mètres environ de la surface maintenant d’une mer d’huile, peut-être même deux mètres cinquante, en fait je ne sais pas très bien...
Venant de nul part une voix suintant d’échos psychédéliques nous propose :
- Laissez-vous emporter, je vous guiderai au delà de votre conscience. Je me dis que je n’aurais pas du abuser de ce scotch vingt ans d’âge, ni de ce hachisch coupé à l’héroïne. Une bourrasque souffla le bateau droit sur l’étrange psycho-boule-rouge-vraiment-bizarre. Elle s’en va nous emportant dans son sillage. La vitesse à laquelle nous avançons est ahurissante....... BOUMMMMMM ...... Le mur du son ? La calebasse me servant de boîte crânienne ??....... Elle change de couleur, clignote, tantôt violette, tantôt verte, zébrée, jaune et orange, des étoiles..... des étoiles ? Nous creusons un sillon dans le liquide teinté de bleu. Encore plus vite, mes organes internes sont aplatis ; plus vite, l’accélération devient insupportable, encore plus vite, c’en est trop, je vais...... STOP !!!! La décélération produit une vague digne d’un tsunami qui engloutit impatiemment le ballon. Il coula. Un long silence s’ensuivit d’une deuxième vague. Gigantesque elle fonce droit nous. Elle semble venir de tous les côtés. Quelle étrange sensation qui parcours mon corps. Mon taux d’adrénaline normalement supportable pour un être humain a du être fortement dépassé. Les efforts produisent encore des étoiles pimentées à travers mes yeux, mille étoiles, et en premier plan de ma vision, une grille parfaitement rectiligne et à faible résolution. On dirait une page de cahier à petits carreaux sur laquelle des gommettes multicolores clignotent. Puis la sensation s’estompe ; ma respiration aussi. Le souffle coupé, il faut respirer à plein poumon afin de reprendre connaissance. J’ai beau lutter mes yeux se ferment. La proue est immergée. L’eau pénètre mes narines mais je n’ai pas le temps de réagir. La houle m’imprègne de son odeur de mort. Sous les flots harassant, las, on pourrait surprendre tantôt la danse langoureuse des algues se mêlant à l’insoucieux plancton, tantôt des poissons de toute sorte scrutant des crevettes qui se pavanent sur des lambeaux de structure rouillée. Ci-gît un squelette rabat-joie que ronge le sel. Un navire et son capitaine ont coulé.

 


IV – La lie de l’âme

Dimanche, 11h43
After chez Sophie

Camille sentit une pression sur ses pieds, entendit des bruits sourds et déformés, ouvrit les yeux, lorsque.... brusque retour à la réalité :
- Fais gaffe le bonhomme va chavirer !!!!!
- Soûlard, t’as encore trop bu. Tu comatais là. Quel connard, putain j’y crois pas, t’es vraiment qu’une poche tu sais ?!
- Je pensais à panser mes plaies, c’est différent.
Tout en décrivant des gestes amples, il ajouta :
- C’était bizarre j’étais sur un bateau et il y avait une espèce de boule rouge ou peut-être bleue, enfin c’était...
- Ta gueule !
- J’temmerde sombre tocard, il est quelle heure au fait ?
- Presque 09h00, ça fait 7h que t’es là. Sans faire de mauvais jeu de mots, t’as pris tout ce qui te passait sous le nez. Conclut, sur un ton sarcastique, une voix émanant de la cuisine.
CAMILLE scruta autour de lui. ça ressemblait à un appartement d’étudiant post-punk-révolutionaire-boursier. Les tempes palpitaient profondément tandis que la mémoire lui revint avec un cadeau de bienvenue : une bonne céphalée.

Dimanche, 02h22
After chez Sophie

A peine le temps de poser le pack de roteuse et de s’en servir une que Sophie lui sortit un pochon rempli de coke. Camille sniffa et esquissa tout de go un geste dithyrambique en guise de remerciement. Le goût amer envahit sauvagement sa glotte maintenant aseptisée.
Débutait ainsi une after sous le joug de la drogue et de la pesante gravité. Camille huma même la très bonne soirée, entouré d’ami(e)s certifié(e)s et labellisé(e)s.
- Joyeux anniversaire mon con préféré, t’étais où ?
- Merci mademoiselle, lui répondit Camille avec un supplément de main droite sur la fesse gauche. En fait j’étais au bar à côté du … on s’en fout , fêtons ça dignement darling.
Deux-trois traits de cocaïne, seize bières, six bangs avec douille en feuille de ficus à usage unique, un ecstasy, une demi-bouteille de rhum plus tard il se leva pour aller pisser.
Ça tournait sauvagement. Du genre, en temps normal, on pivote le chef de 45° dans une direction et la vue fait la mise au point sur un objet. En temps biaisé, on fait de même mais les yeux continuent à dériver comme des billes. Impossible de se focaliser sur quoique ce soit. Déjà tout petit j’aimais cette ivresse que l’on a quand on tourne sur soi en tendant les bras. On ne peut plus rien contrôler alors on chancelle, on trébuche passivement. Se souvint Camille. Tout ce qu’il lui restait à faire, c’était de se concentrer sur la porte des chiottes. En vain, il chancela. Fixe les putains de chiottes merde !
Survînt la phase de surabondance d’information. Simples ou abscons, des millions d’informations en tout genre, insaisissables, elles vous échappent, vous glissent entre les synapses, comme une caresse de l’âme. Furtives, ont les oublies qu’elles sont aussitôt remplacées par les suivantes. Saisir un souvenir devient compliqué dès lors qu’il est incomplet ou rattrapé à mi-chemin par un autre.
Fais chier les chiottes ça pourrait pas être plus près, ma tête va exploser ! Il courut. Sur les dix mètres de trajet il se vautra trois fois. Une fois aux toilettes, il orchestra une symphonie pour cuvette en faïence Jacob-Delafont en « raie » majeure, composée de « corde-pisse » et du pupitre des « vent-bulle ». Une « percussion-pet » ajouta à ce chef-d'oeuvre une touche rythmique de bon goût. Il déchira un bout de papier pour s’essuyer le gland quand il flaira (ou plutôt sa queue) qu’il se faisait happer goulûment par un calamar géant. C’est sorti des WC ? Oh ! J’suis trop déchiré là. Concentration, c’est quoi ?
« Slurpfrise ! » prononça tant bien que mal une charmante demoiselle avec des dred locks amoniaqués. C’était Alice, une copine de Sophie, à genoux.

 


Pour notre deuxième rencontre en trois mois c’est un chouette cadeau d’anniversaire ma belle. Tu sais ce que tu veux. Je vais m’occuper de toi. Tout aussi délicat et attentionné, il souleva alors la jupe et baissa la petite... pas de petite culotte en fait... et il enfourna généreusement son gourdin dans la boîte à plaisir presque trop serrée et parfumée à la cannelle. Il s’actionna, se retira, éjacula rapidement sous l’excitation. Il esquissa un coeur en lettre de foutre sur la cuisse ruisselante. Encore motivé il remit le couvert. Trop bruyante, il pressa la main sur la bouche. A peine deux coups de rein que sort une grosse morve du nez de sa partenaire, genre un lombric bien grassouillet qui pendait sur dix centimètres. Heureusement, il avait toujours le pq dans la main. Il lui confia, trébucha et vomit.
De retour au salambre, le jeune homme se rinça la boîte vocale au vin rouge. Des picotements remontèrent des pieds au cuir chevelu jusqu’à une paresthésie totale du crâne. Sa vue fût contrariée par un voile blanc, une sensation de froid intense annonça le coma. Son cardiaque rythme accéléra péniblement, ses mains tremblèrent, une grosse suée perlait sur ses tempes. Ses sens arrivaient à la limite de la saturation. Le corps de Camille interceptait tous les déplacements de la pièce. De la douce fumée de l’encens à la danse frénétique d’un invité. Même imperceptibles, il les captait passivement comme si son corps n’était qu’un détecteur de mouvement. Au moindre vol de mouche, les glandes surrénales déversaient par vagues successives de l’adrénaline bien acide dans ses veines déjà gonflées. Ses sens étaient décuplés malgré lui. Il perdait le contrôle à chaque minute.. Problème : la fête battait son plein. Tout le monde se mit à sauter de concert sur le rythme d’un tube électro. Au secours, j’étouffe, je vais me noyer dans un océan d’alcool panique Camille. Fauché par la tempête sensorielle, il s’écroula sur le matelapé qui l’enveloppa sous son poids. Il s’y cramponna comme un naufragé replié dans sa barque de fortune un jour de tempête. Il eut juste le temps de prononcer un râle et sombra.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


V - Courte vie

Dimanche, 12h19
De retour à la maison

Camille ferma la porte d’entrie (ou de sortée) de son appartement. Il déposa vulgairement ses lunettes de soleil sur la table de la cuisine. L’astre du jour était bien trop agressif pour les yeux mi-clos de fêtard fatigué. La monture manqua de se briser contre le radio-cassette. Les ondes diffusaient un programme de “Frère Intense”, peut-être “Le Foie du roux” ou quelque chose comme ça. Il coupa immédiatement le poste, y glissa un CD de jazz puis descendit une brique de lait d’un trait. Son gosier avait réclamé depuis le réveil un liquide frais purificateur.
Le studio était sombre bien qu’à travers les volets encore clos quelques rayons du soleil aient percé l’obscurité. La loque distingua un cierge récemment volé lors d’une escapade nocturne. Rien de tel que fixer la lueur d’une flamme pour penser, pour se reposer tranquillement et se remettre de la veille. La cire était encore vierge de tout massacre flamboyant et lisse à l’instar d’une page de la Bible... Il l’alluma. La lumière ambrée éclaira son visage en contre plongée donnant à la scène un rendu faustien !
Je t’ai donné la vie, être au cœur froid, sans âme ni sexe (malgré ta forme phallique), imagina Camille d’un regard démoniaque. Puis ses pensées s’envolèrent et il se remémora la soirée... Qu’ai-je encore fait ? Un spasme lui fit quitter sa rêverie tandis qu’il se surprit à fixer la flamme du cierge. Déjà la moitié du cylindre, bavant sa propre matière sur lui-même. Ça me rappelle une autre soirée où je vomissais mes tripes après moult cul-sec de tequila et quand... merde je m’égare encore... se dit Camille à voix basse.
En tout cas c’est abject mais toute entité positive se nourrit d’une partie négative (souvent camouflée) et inverse. La partie attrayante ici ? La flamme. Ses photons tels des kamikazes sont projetés dans l’air, sans quoi tout serait plat et austère. La lumière crée l’ombre et l’ombre le volume. La flamme vacille sous l’effet de mes gestes incontrôlés et d’invisibles courants d’air. Du coup en regardant les murs, la scène ressemble à un piètre balai de meubles convulsifs. Les ombres paraissent habitées d’animaux sauvages en proie à la peur humaine. En vue subjective, la Flamme pourrait t-elle s’expliquer ce qu’elle produit ? Le sait-elle que ces projections qu’elle observe sont la résultante de son pouvoir animant. Peut-être qu’en ce moment une Flamme réconcilie sans le savoir deux amants dans un restaurant, une autre réchauffe le pauvre mendiant dans une rue déserte de Moscou ; celle de l’église de Sée ingère le pardon d’un vieillard soucieux de l’avis du Saint Esprit avant la mort pendant qu’un célibataire pleure dans un coin sur sa bouteille de gin...
De longues minutes passèrent tandis que la lueur dardait sur sa peau comme dans son cœur en peine. Elle va finir par s’étouffer sous son propre fluide visqueux comme une baleine s’asphyxiant sur une plage déserte. Suicide ? Main de Dieu salvatrice et répugnante ? Le flasque lumignon se purgea, vomit sa cire, se consuma avec des mouvements saturés de terreur, épuisa l’oxygène ambiant dans une dernière bouffée asthmatique, s’effondra sur lui-même comme une étoile en fin d’existence. Camille couvrit d’un hallali convulsif le « pchhh » sonnant le glas. Ses traits précédemment sadiques devinrent angoisse puis tristesse. Merde ! Il était enfin d’existence. Grâce à son expérience il a dû savoir et je l’ai regardé s’éteindre. J’étais Dieu et cette bougie un pion dramatique voué à une mort programmée ou je n’étais qu’un salaud égoïste et elle une frustrante source de questionnement anxiogène qui cherchait ni plus ni moins à me faire comprendre le Savoir ? Endeuillé, en quête de réponse, il partit chercher un autre cierge mais en vain. Le jeune homme se rassit face à l'accumulation de cire. Sa gorge se noua comme en avalant une soupe de spasme. Camille ferma ses mains sur sa face boursouflé et, dans un torrent d’émotion, ses glandes lacrymales s’actionnèrent. Fastidieux retour à la réalité. Amen.

 

 

 

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